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ΑΡΧΙΚΗ ΣΕΛΙΔΑ / ΤΟΥ ΠΑΤΡΙΑΡΧΗ / ΠΑΤΡΙΑΡΧΙΚΟΣ ΝΑΟΣ / ΕΚΚΛΗΣΙΕΣ ΤΗΣ ΠΟΛΗΣ / ΚΕΙΜΕΝΑ ΠΑΝ. ΑΝΔΡΙΟΠΟΥΛΟΥ / ΠΙΝΑΚΑΣ ΕΛΕΓΧΟΥ
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9/06/2014

"Ο ΠΑΤΡΙΑΡΧΗΣ ΑΘΗΝΑΓΟΡΑΣ ΚΑΙ Ο ΔΙΑΛΟΓΟΣ ΤΗΣ ΑΓΑΠΗΣ" / Η Εισήγηση του Μητροπολίτου Βελγίου Αθηναγόρου στο Συνέδριο του Bose (5-9-2014)


LE PATRIARCHE ATHÉNAGORAS ET LE DIALOGUE DE L’AMOUR 
OU COMMENT UN GREC NÉ AUX TEMPS DE L’EMPIRE OTTOMAN DEVINT UN ARTISAN DE PAIX 
Métropolite Athénagoras de Belgique1 
C’est un grand honneur pour moi de pouvoir m’adresser à vous, aujourd’hui, au sujet d’une grande figure du 20e siècle en matière de rapprochement des Eglises chrétiennes, au sujet de ce grand leader spirituel qui m’a personnellement guidé et inspiré dans mon engagement œcuménique. Le regretté Patriarche Athénagoras est réellement devenu “un symbole et un héritage. Le symbole de la réconciliation chrétienne, le symbole des efforts réalisés de l’Unité des chrétiens à un seul troupeau sous un seul berger, le Christ. Le symbole du chemin vers la communion au même calice”. C’est avec ces paroles que l’actuel Patriarche Œcuménique Bartholomée me donna le nom du Patriarche Athénagoras lors de mon ordination diaconale, voici exactement 25 ans, comme un mandat à exécuter! Ses paroles de conclusions furent: “Voilà donc l’héritage du Patriarche Athénagoras et ta responsabilité comme porteur du même nom que lui”2
La raison pour laquelle le Patriarche Bartholomée me donna ce grand nom est double. Premièrement, il avait été personnellement témoin de notre rencontre avec le Patriarche Athénagoras, durant l’été 1969 à l’Ecole Théologique de Halki qui, à l’époque, fonctionnait encore. Il connaissait notre admiration pour le Patriarche Athénagoras et avait compris que cette rencontre nous avait profondement touchée. D’autre part, il vit en mon humble personne quelqu’un qui pourrait facilement faire le lien entre le christianisme oriental et le christianisme occidental et qui pourrait ainsi, par voie de conséquence, humblement donner suite à l’héritage du Patriarche Athénagoras. 
BYZANTIN D’EPIRE 
Mais retournons à la figure même du grand Patriarche Athénagoras et posons-nous la question comment un Byzantin, né dans un village de l’Epire, a-t-il pu devenir défendeur du dialogue œcuménique et du rapprochement des Eglises chrétiennes? Voilà ce que je vais essayer de rendre, étape par étape, à travers les diverses phases de sa vie, pour en arriver in fine à la levée des anathèmes réciproques. 
Le Patriarche Athénagoras naquit le 25 mars 1886 sous le nom d’Aristoklis Spyrou dans le village de Vassilikon, en Epire. L’Epire faisait à l’époque partie de ces Balkans où flottait une atmosphère de civilisation multiculturelle. Aux côtés d’un population grecque autochtone, vivait une minorité slave, un groupe d’Albanais, convertis à l’Islam, et un groupe de bergers valaques qui parcouraient les montagnes avoisinantes. Son père était médecin, le premier à jamais habiter le village. 
Athénagoras naquit aux temps de l’Empire Ottoman. Les Grecs de l’Empire Ottoman n’étaient pas des nationalistes, dans le sens que nous connaissons aujourd’hui. Ils étaient Byzantins: ils avaient hérité de Byzance l’esprit de l’œcuménicité grecque-orthodoxe, pour lequel ce qui importait était d’être ‘orthodoxe’ et de parler la langue grecque, même si ce n’était que comme seconde langue. 
Dans son village vivaient des chrétiens et des musulmans, dans un respect mutuel. Les enfants – chrétiens et musulmans – jouaient ensembles. Les amis musulmans étaient invités aux fêtes de baptême et les musulmans invitaient les Grecs pour la fête de la circoncision. Les musulmans participaient à la fête paroissiale de la Saint Georges.


HALKI 
La lecture de certains livres l’a aidé dans sa vie personnelle à rendre prioritaires l’harmonie, la tolérance et la cohabitation pacifique. Il était à cette époque étudiant au célèbre et réputé Institut de Théologie de Halki, près de Constantinople. La plupart de ces livres, il les avait lu en français car, à Konitsa (près de son village natal), il avait appris la langue de Voltaire. Il y lut entre autres: Les frères Karamazov de Dostoïevski; Les Misérables de Victor Hugo; Parsifal de Wagner; et le roman Les Deux Navires de la Comtesse de Briancourt. Chacun de ces livres l’aida à former sa pensée œcuménique, ils avaient éveillé quelque chose en lui; un quelque chose au sujet duquel ses professeurs à Halki ne parlaient jamais: les autres Eglises chrétiennes. Lorsque ce sujet était abordé, c’était toujours pour en souligner les différences, jamais pour en souligner les similitudes, ni les éléments positifs. Sans doute en raison d’un sentiment de crainte. Il est vrai que les Latins avaient souvent profité des faiblesses de l’Orthodoxie aux temps de l’occupation ottomane, plutôt que de lui venir en aide. Lorsqu’Athénagoras était étudiant à Constantinople, un prêtre catholique-romain détournait le regard quand il croisait un prêtre orthodoxe en rue. 
Malgré tout cela, Athénagoras comprit à Halki qu’un changement était en vue: une période de redécouverte réciproque allait faire suite à celle de l’indifférence et de l’ignorance! 
MONASTIRI (BITOLA) 
Après avoir terminé ses études à Halki, le diacre récemment ordonné Aristoklis déménagea à Monastiri (aujourd’hui Bitola, dans la FYROM). Lors de son ordination diaconale, il avait reçu le nom ‘Athénagoras’ et avait été appointé comme responsable des écoles grecques de l’évêché de Monastiri. Il fut rapidement promu archidiacre. Deux ans plus tard, lorsque décéda le Métropolite Stéphane de Pégagonie (Monastiri), auquel succéda Chrysostome Kavouridis, il fut nommé vicaire-général. Cette fonction lui permit de rencontrer quotidiennement des personnes et de leur venir en aide en se mettant à leur service. Cette ville et sa région étaient connues pour leur grande diversité de population. Grecs, Turcs, Bulgares, Serbes… Chrétiens, Musulmans et Juifs y cohabitaient. L’apprentissage de la cohabitation entre différents peuples et religions a profondément marqué le futur patriarche. La complexité de cette situation ne lui avait pas échappé pour autant. Entretemps, depuis 1912, une nouvelle guerre avait éclaté, avec des visées nationalistes qui avaient créé de la tension entre les communautés. Mais le jeune Athénagoras ne se laissait pas aller sur cette pente facile. Il continuait à rendre visite à chaque maison, soignait les malades et prononçait des paroles de consolation. La tempête du nationalisme qui balayait la région ne le touchait pas. Il avait conservé des liens avec les Slaves, les Allemands, les Autrichiens et les Français. A ses yeux, tous les peuples étaient bons. Chacun méritait le respect et l’admiration. Il pensait que tout le monde a besoin d’amour. Le mot ‘amour’ devint un mot-clé dans la vie d’Athénagoras. Il avait en vue un amour vrai, un amour qui fait resplendir la lumière et la vie. 
Des événements épouvantables frappèrent Monastiri au cours de cette guerre. Mais il préférait se remémorer les bons moments qu’il y avait vécus, ces moments où il avait appris à apprécier la valeur de l’amour pour le prochain. Un amour de la simplicité, un amour pour le dialogue et pour les premiers contacts avec des chrétiens d’occident. Afin de mieux apprendre à connaître les Catholiques-Romains, il rendait souvent visite à l’école des frères Maristes de Monastiri. La raison qu’il invoquait pour ce faire était qu’il voulait perfectionner sa connaissance du Français. 
LE MONT ATHOS 
Après le drame de 1918, le Métropolite Chrysostome dût quitter Monastiri et se retira au Mont Athos. Athénagoras le suivit et y demeura six mois. Six mois d’une vie spirituelle totale, entièrement concentré sur la prière et la purification. Une purification de la haine dans laquelle il avait dû vivre. Il aimait beaucoup le monachisme, mais il se sentait appelé à une forme de monachisme comme celui de Saint Cosme l’Etolien: un monachisme de l’amour actif, plutôt que de la ‘prière pure’, deux formes pourtant tellement liées entre elles.
ATHENES 
Plus tard, en 1919, il fut nommé secrétaire principal du Saint Synode de l’Eglise de Grèce, précisément à l’époque où le mouvement œcuménique prenait son envol, grâce au soutien du Patriarcat Œcuménique. La même année, une délégation de ‘Foi et Eglise’ se rendait à Athènes, avec la question posée à l’Eglise de Grèce quant à sa participation à ce projet. L’archevêque et quatre métropolites signèrent un accord en ce sens. Athénagoras ayant montré tant d’intérêt dans ce projet, il fut décidé de l’envoyer apprendre l’anglais. Ce fut à Athènes également que le futur Patriarche Athénagoras fit la rencontre de Saint Nectaire d’Egine, quelques jours avant le décès de ce dernier. Nectaire avait connu beaucoup d’adversité dans sa vie, et était devenu un grand saint, faiseur de miracles. Il est de notoriété publique que Saint Nectaire entretenait une correspondance fraternelle avec les Catholiques-Romains et les Anglicans et qu’il plaidait pour une réception des Vieux-Catholiques au sein de l’Orthodoxie. C’est de ce saint qu’Athénagoras reçut la bénédiction et, plus tard en 1961, ce sera le Patriarche Athénagoras lui-même qui le proclamera saint! 
METROPOLITE DE CORFOU 
En 1923, à l’âge de 37 ans, Athénagoras fut élu par le Saint Synode de l’Eglise de Grèce Métropolite de Corfou. Sa vocation œcuménique y trouva un nouveau terrain pour se développer. Sur cette île – occupée par les Vénitiens depuis des siècles – habitaient de nombreux Catholiques-Romains. Athénagoras se lia rapidement d’amitié avec leur évêque, Mgr Léonardo Printezi, et n’hésita pas à se promener en rue en sa compagnie. Lorsque des enfants venaient pour leur baiser la main, Athénagoras leur enjoignait de d’abord baiser celle de son collègue romain. Ce geste revêtait une grande signification dans le monde méditerranéen.
ARCHEVEQUE D’AMERIQUE 
En 1930, le Saint Synode du Patriarcat Œcuménique le nomma Archevêque d’Amérique du Nord et du Sud. Comme à Corfou, il laissera paraître ses qualités ‘d’homme d’Etat’ (en l’occurrence, de leader ecclésiastique) au service d’une vision. Travailleur infatigable, il s’entretenait volontiers avec ses collaborateurs, ses amis, ses hôtes. Il se laissait conseiller, mais dès que sa décision était prise, plus de place pour quel qu’argument que ce soit. Il veilla particulièrement à une inculturation en profondeur de l’Orthodoxie aux Amériques: il fonda un institut de théologie, permit la musique d’orgue durant les offices, obligea les prêtres à ne plus porter la soutane, veilla à susciter des vocations locales… 
SUCCESSEUR DE L’APOTRE ANDRE 
En date du 1er novembre 1948, Athénagoras se voit finalement élire Patriarche Œcuménique de Constantinople. En tant que Patriarche Œcuménique, il restera surtout connu pour sa rencontre historique avec le Pape Paul VI à Jérusalem en 1964. Pour la première fois depuis 1439, les primats des Eglises de Rome et de Constantinople se rencontraient. Ils se rencontrèrent une nouvelle fois à Constantinople en 1967 ainsi qu’à Rome cette même année. En 1965, les deux leaders religieux se mirent d’accord pour lever les excommunications réciproques du Pape Léon IX et du Patriarche Œcuménique Michaël I de 1054, excommunications qui avaient conduit au plus grand schisme de l’histoire. Son autre grand mérite fut celui du rapprochement des Eglises locales Orthodoxes et de la préparation d’un Grand et Saint Concile Panorthodoxe. 
Lors de son intronisation, le Patriarche Athénagoras avait dit que ‘sans un retour à la religion de l’amour et du pardon, la paix ne pourra pas régner’. Il en était intimement convaincu et en avait fait la règle d’or de son travail pastoral. 
Dès son arrivée au Phanar, il demanda à créer des contacts officiels avec les représentants du Vatican à Constantinople. Athénagoras s’était déjà intéressé à ce que Roncalli avait mis sur les rails dès avant la IIe guerre mondiale. En janvier 1952, fut publiée la troisième encyclique patriarcale sur le Mouvement Œcuménique (la première datait de 1902 et la deuxième de 1920). Ce fut l’occasion de renouer contact avec la chrétienté occidentale. Les contacts avec le Nonce Apostolique à Constantinople, Mgr Cassulo, furent intensifiés, mais furent de courte durée en raison du décès inopiné de ce dernier. Ce fut finalement l’élection du Cardinal Roncalli au poste de Pape de Rome sous le nom de Jean XXIII en 1958, qui offrit l’occasion de réaliser une percée. Roncalli avait été Nonce Apostolique pour la Turquie et la Grèce, avec siège à Constantinople. Ce fut à l’initiative d’Athénagoras et de Jean XXIII qu’un dialogue de paix, d’amour et de foi entre Rome et Constantinople pu voir le jour, afin que la volonté su Seigneur fut accomplie. Lorsque nous disons ‘Rome et Constantinople’, nous parlons du monde Catholique-Romain et du monde Orthodoxe dans leur ensemble. Rome et Constantinople représentent les deux premiers sièges historiques de la chrétienté dans son ensemble. C’est pourquoi le siège de Constantinople porte également le nom de ‘Nouvelle Rome’. A partir de là, les visites de délégations se succèdent les unes aux autres aux primats respectifs des Eglises de Rome et de Constantinople. Dans leurs encycliques, les deux primats insistent de plus en plus sur la nécessité d’un dialogue en vue d’un retour à l’unité des Eglises chrétiennes. Athénagoras déclara que “rien au monde ne justifie la séparation et l’isolement des Eglises chrétiennes”. Des Conciles seront convoqués: à Rome ce sera le IIe Concile du Vatican; à Rhodes ce seront des conférences panorthodoxes préparatoire à un Grand et Saint Concile Panorthodoxe. En 1963, le Cardinal Montini succéda à Jean XXIII, prenant le nom de Paul VI. Le Métropolite Athénagoras de Thyatire et de Grande-Bretagne, envoyé à Rome, s’adressa au nouveau Pape Paul VI en ces termes: “Votre Sainteté, conscient de la signification de ce moment historique, je me présente dépouillé. Après tant de siècles de silence, l’Occident Latin et l’Orient Grec désirent à nouveau se rencontrer dans un esprit d’amour et de respect réciproque, comme nous le demandent l’Evangile et le cœur de tous les chrétiens. Ils veulent que les idées changent. (…) Votre Sainteté gravit la montagne d’un côté et le Patriarche Œcuménique le fait de l’autre côté. Que celui qui mesure la signification de ce projet, prie afin que tous deux vous puissiez vous rencontrer au sommet de cette montagne, en Terre Sainte, à proximité du lieu de la Croix, près du Tombeau vide; et pour que vous puissiez continuer à avancer sur le chemin de la solidarité chrétienne”.

RENCONTRE HISTORIQUE A JERUSALEM 
Moins d’un mois plus tard, cette rencontre historique entre Paul VI et le Patriarche Œcuménique Athénagoras eut enfin lieu, le 5 janvier 1964, à Jérusalem. La dernière rencontre entre un pape et un patriarche œcuménique datait de 1439, à Florence, à l’occasion du concile du même nom. A la suite de cet événement, le Patriarche prononça ces paroles: “Nous nous sommes embrassés une première fois, puis une deuxième fois, puis à nouveau et à nouveau. Tels deux frères qui se sont retrouvés après une longue séparation”. Ils parlèrent et prièrent ensemble. Bien plus longtemps que prévu! Une déclaration commune, une véritable action de grâce, fut portée à la connaissance du monde: “Les deux pèlerins, les yeux tournés vers le Christ – qui, ensemble avec le Père, est l’exemple et l’auteur de l’unité et de la paix – prient Dieu pour que cette rencontre devienne un signe et une première étape pour ce qui doit encore venir pour la Gloire de Dieu et pour l’illumination des fidèles …”. 
Athénagoras, avant d’entreprendre son voyage en Terre Sainte, avait consulté toutes les Eglises locales Orthodoxes. A l’exception de l’Eglise de Grèce, toutes encouragèrent l’initiative. Le pape et le patriarche et toutes les personnes qui étaient présentes lors de cette rencontre, ont tous témoigné de la force de ce signe. Ils ont senti que le Christ lui-même était à l’œuvre et que les personnes étaient portées. La première accolade en fut une dans l’esprit de la Pentecôte. Le baiser de paix symbolisait une communio qui cherchait d’abord à se restaurer dans l’amour. “Donc, lorsque vous apportez votre offrande à l’autel et que vous vous souvenez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande, allez vous réconcilier avec votre frère et revenez ensuite apporter votre offrande ” (Matt. 5, 23-24). Le pape et le patriarche se sont souvent remémorés ces paroles! Les images de la rencontre entre Athénagoras et Paul VI firent le tour du monde: à la télévision, dans tous les journaux et les prestigieux magazines, ce qui contribua beaucoup à faire comprendre aux Catholiques-Romains d’Occident que l’Eglise Latine n’était pas la seule. Ils connaissaient bien l’existence des protestants, mais étaient restés totalement indifférents aux orthodoxes. 
A la suite de cette rencontre, de nombreuses reliques des apôtres furent restituées à l’Eglise Orthodoxe: les crânes de l’Apôtre André et de saint Tite, les reliques de Saint Sabbas. 
LEVEE DES ANATHEMES 
L’événement historique consécutif à cette rencontre à Jérusalem, fut la levée des anathèmes réciproques. Cette levée des excommunications eut lieu le 7 décembre 1965, simultanément à Rome et au Fanar. L’émissaire du Patriarcat Œcuménique au Vatican en avait été feu le Métropolite Méliton d’Héliopolis et Théra (plus tard Métropolite de Chalcédoine), également président de la IIIe Conférence Panorthodoxe de Rhodes en 1964. Il n’avait pas été évident d’amener les autres Eglises locales Orthodoxes à franchir ce pas. Mais Méliton était finalement parvenu à accomplir sa mission, ce qui lui avait permis de déposer une copie des conclusions de Rhodes. C’est ainsi que fut mis un terme à dix siècles de séparation et de pénible mésentente entre chrétiens. Ceci ne signifie toutefois pas que depuis cette date, l’unité de l’Eglise a été réalisée! Les primats des deux Eglises déclarèrent, entre autres choses, dans leur déclaration commune qu’ils regrettaient les paroles prononcées au moment du schisme, qu’ils regrettaient les excommunications qui en furent la conséquence et aussi qu’ils regrettaient la séparation effective de la communio ecclésiale. Ils prononcèrent des paroles de pardon réciproque et d’espoir qu’avec l’aide du Saint Esprit le fossé entre les Eglises Catholique-Romaine et Orthodoxe puisse être comblé. Ils espéraient surtout que leurs actes puissent être acceptés par l’ensemble du monde chrétien et puissent servir d’amorce à un mouvement de rapprochement en vue du grand idéal de l’unité visible des Eglises chrétiennes. 
L’ANCIENNE ET LA NOUVELLE ROME 
De nouvelles rencontres entre Paul VI et Athénagoras eurent encore lieu à Constantinople et à Rome en 1967. Ces rencontres furent – tout comme celle de Jérusalem – chargées d’une signification symbolique et d’un dynamisme pour le sacré dépassant l’horizon humain. A Constantinople, le pape était parfaitement conscient que c’était dans cette région du monde que les bases de la foi chrétienne avaient été fixées: Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine… A Constantinople, le pape visita Sainte Sophie, la Sainte et Grande Eglise du Christ, où il s’agenouilla devant le lieu où l’autel aurait dû se trouver. Cet acte de la part du pape souleva de vives protestations en Turquie, car dans cet état laïc il n’est pas permis de manifester des signes religieux dans un bâtiment public (Sainte Sophie est depuis 1935 un musée). Paul n’avait eu qu’une seule intention : prier pour le pardon sur le lieu même où les légats du pape avaient déposé la bulle d’excommunication en 1054! Le jour suivant, en l’église patriarcale de Saint Georges, il fut prié pour: “Sa Sainteté le Pape Paul de Rome et notre Archevêque Athénagoras, afin que leurs pas demeurent toujours dans la direction du bien”. 
DIALOGUE D’AMOUR DANS LA VERITE 
Petit à petit grandit l’idée de la nécessité d’un dialogue théologique. Paul VI l’exprima par ces belles paroles: “ Nous sommes arrivés à une si belle et si riche communio… qui nous unit dans le mystère de l’Eglise”, mais “elle demeure encore incomplète et il est nécessaire que le Saint Esprit nous guide tous ensembles à la plénitude de cette communio”. A quoi répondit Athénagoras: “Nous nous préparons de tout notre cœur sur le chemin de la communio eucharistique, à l’instar du Seigneur qui lava les pieds des Apôtres…” (…) “Nous devons à présent œuvrer à retrouver la situation du premier millénaire, où différences et diversités coexistaient dans l’unité du même calice”. C’est vers ce calice eucharistique commun que Paul VI et Athénagoras tendaient de toutes forces. C’est vers ce calice eucharistique commun que nous aussi, continuateurs de cet idéal œcuménique, tendons. Mais la route est encore longue et l’aide de Dieu sera nécessaire pour son accomplissement. 
Dans la biographie du Pape Paul VI brille un acte prophétique accompli le 14 décembre 1975, lorsqu’il s’agenouilla devant l’émissaire du Patriarche Athénagoras, le Métropolite Méliton de Chalcédoine, et lui baisa les pieds. Il fit cela au nom de l’Eglise Catholique-Romaine toute entière afin de demander à nouveau pardon à l’Orthodoxie pour tout ce qui s’était passé lors du Grand Schisme de 1054. Aujourd’hui, un tel acte semble difficile à imiter. Il y a encore et toujours urgence à demander au Seigneur le don de l’unité des chrétiens. 
Pour l’accomplissement de l’unité visible des chrétiens, c’est à tout le ‘peuple de Dieu’ de prendre conscience de l’immense espoir qu’offre la perspective de ce chemin. Tout doit être mis en œuvre afin de le réaliser définitivement dans les faits, avec volonté et conviction. A nous de pénétrer ensemble dans la troisième période de l’Eglise: celle de l’amour et de la réconciliation; celle de l’unité entre égaux. Cette troisième période de l’Eglise nous conduira finalement à la pleine réalisation du désir d’unité et de paix, ces valeurs nichées au plus profond de notre être, et dont le regretté Patriarche Athénagoras avait fait le fil rouge de son existence. 
Athénagoras s’est endormi dans le Seigneur dans la nuit du 6 au 7 juillet 1972. Son œuvre a été dignement poursuivie par ses successeurs, les Patriarches Œcuméniques Dimitrios et Bartholomée.

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1.Son Eminence le Métropolite Athénagoras (Peckstadt) est depuis le mois de novembre 2013 le Métropolite de Belgique et Exarque des Pays-Bas et de Luxembourg (Patriarcat Oecuménique) et président de la Conférence Episcopale Orthodoxe du Bénélux. 
2. Tiré de l’allocution du Métropolite Bartholomée de Philadelphia (aujourd’hui Patriarche Œcuménique) à mon ordination diaconale, lors de laquelle il me donna le nom ‘Athénagoras’ (Bruxelles, 12 novembre 1989). Voir Apostel Andreas, N°12, 1989, Gand (Belgique), pp. 12-15.

BIBLIOGRAPHIE: 
- Aristide Panotis, Les Pacificateurs (Jean XXIII, Athénagoras, Paul VI, Dimitrios), Athènes, 1974. 
- Castanos de Medicis, Athénagoras Ier - l’apport de l’Orthodoxie à l’Oecuménisme, Lausanne, 1968.
-Olivier Clément, Dialogues avec le Patriarche Athénagoras, Paris, 1976. 
- ΤΟΜΟΣ ΑΓΑΠΗΣ, Vatican – Phanar (1958-1970), Rome Istanbul, 1971. 
- Virgil Gheorghiu, La vie du Patriarche Athénagoras, Paris, 1969.

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